par Richard Heinberg , publié à
l'origine par le PostCarbon Institute le 16 avril 2013
Les économies d'énergie sont notre meilleure stratégie de pré-adaptation à un avenir énergétique inévitablement contraint. Et c'est peut-être notre seule option réelle pour éviter la ruine économique, sociale et écologique. Le monde devra faire face à des limites à la production d'énergie dans les décennies à venir, quels que soient les choix énergétiques des décideurs politiques. Considérons les deux choix extrêmes : l'option du CO2 minimum et celle du CO2 maximum.
Si nous reconstruisons notre infrastructure mondiale énergétique pour réduire les émissions de CO2, dans le but de lutter contre le changement climatique, cela se traduira par la suppression des incitations et des subventions au pétrole, au charbon et au gaz et à les transférer vers des sources d'énergie renouvelables comme le solaire, l'éolien et la géothermie. Lorsque des combustibles fossiles seront encore utilisés, nous aurons besoin de capturer et d'enterrer les émissions de dioxyde de carbone.
Nous pourrions aussi faire appel à l'énergie nucléaire pour nous aider sur le chemin, mais cela ne serait probablement pas beaucoup. La catastrophe de Fukushima au Japon en 2011 a mis en évidence une série de problèmes de sécurité non résolus, y compris le stockage du combustible usagé et la vulnérabilité aux pannes de courant prolongées du réseau. Même en ignorant ces problèmes, l'énergie atomique est chère, et les livraisons de minerai d'uranium à haute teneur sont problématiques.
Le chemin à faible émission de CO2 est aussi jonché d'autres obstacles. Le solaire et l'énergie éolienne sont sujet à l'intermittence, un problème qui ne peut être résolu que par des investissements substantiels dans le stockage d'énergie ou le transport longue distance. Les énergies renouvelables ne représentent actuellement qu'une infime partie de l'énergie mondiale, de sorte que le chemin à faible émission de CO2 nécessite un fort taux de croissance dans ce secteur cher, et donc des taux d'investissement élevés. Les gouvernements devront démarrer la transition avec des réglementation et des subventions, ce qui est difficile dans un monde où la plupart des gouvernements sont financièrement surchargés et les capitaux pour l'investissement sont rares.
Pour le transport, l'option à faible émission de CO2 est encore plus épineuse. Les biocarburants souffrent de problèmes de coût élevé et du détournement des terres agricoles, la transition vers les voitures électriques sera coûteuse et prendra des décennies, et des avions électriques ne sont pas réalisables.
La capture et le stockage du CO2 seront également coûteux et nécessiteront également des décennies à mettre en œuvre à une échelle significative. En outre, les coûts de l'énergie pour construire et exploiter une nouvelle énorme infrastructure de pompes de dioxyde de carbone, des pipelines et des compresseurs seront considérables, ce qui signifie que nous devrons extraire de plus en plus de combustibles fossiles pour produire la même quantité d'énergie utile à la société, un problème épineux si les combustibles fossiles deviennent en plus, plus coûteux . Donc, en dernière analyse, un avenir à faible émission de CO2 est également très susceptible d'être un avenir à faible énergie.
Et si nous oubliions le climat ? Cela peut sembler être la voix de moindre résistance. Après tout, les combustibles fossiles ont l'histoire d'être pas cher et abondant, et nous avons déjà l'infrastructure nécessaire pour les brûler. Si combattre le changement climatique est coûteux et politiquement controversée, pourquoi ne pas continuer de plus belle sur la voie de la haute teneur en CO2, sur laquelle nous sommes déjà, dans une poursuite de la croissance économique maximum ? Peut-être, qu'avec une croissance suffisante, nous pourrions nous permettre de surmonter tous les problèmes que l'évolution du climat nous met en travers du chemin.
Ce n'est pas une bonne option. Le dilemme auquel nous serions confrontés à travers la voix d'énergie a haute teneur en CO2 peut se résumer par la métaphore du fruit à portée de main que l'on cueille d'abord. Nous avons d'abord extrait la meilleure qualité, la moins chère à produire, les ressources en hydrocarbures les plus accessibles, et nous avons laissé la moindre qualité, les ressources coûteuses à produire, moins accessibles pour plus tard. Eh bien, maintenant il est tard. D'énormes quantités de charbon, de pétrole, de gaz et d'autres combustibles fossiles restent encore sous terre, mais chaque nouvel incrément coûte beaucoup plus cher à extraire (en termes d'argent et d'énergie) que ce n'était le cas il y a seulement une décennie.
Après la marre noire de la plate-forme Deepwater Horizon de 2010 et les soulèvements de 2011 en Afrique centrale et au moyen orient, presque personne ne croit encore que le pétrole va être aussi peu cher et abondant dans le futur que ce qu'il était il y a quelques décennies. Pour le charbon, le réveil vient de la Chine qui brûle maintenant près de la moitié de la production de charbon mondiale et qui commence à en importer des quantités énormes, entraînant une hausse des prix du charbon à travers le monde. Pendant ce temps, des études récentes suggèrent que la production mondiale de charbon marquer le pas au cours des prochaines années et commencera à décliner.
De nouvelles techniques d'extraction du gaz naturel (forage horizontal et de "fracking") ont augmenté temporairement les livraisons de ce carburant aux États-Unis, mais les compagnies qui se spécialisent dans ce gaz «non conventionnel» semblent survivre seulement grâce au capital d'investissement : Les prix sont actuellement trop bas pour leur permettre de faire beaucoup de profit sur la production. Les coûts de production et les taux d'épuisement par puits sont élevés et les rendements énergétiques sur l'énergie investie dans la production sont faibles. Les prix bas constates récemment résultent d'une surabondance de production du a la frénésie de forage qui a sévit en 2005-2007, ce qui n'avait de sens économique que lorsque les prix du gaz étaient beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont maintenant. Tout cela suggère que les attentes optimistes vis a vis de que cette "fracturation hydraulique" peut produire sur le long terme sont exagérées.
Les Hydrocarbures exotiques comme les hydrates de gaz, le bitume («sables bitumineux»), et kérogène («huile de schiste») vont nécessiter des efforts et des investissements extraordinaire pour leur développement et entraîneront des risques environnementaux encore plus élevées que ceux des combustibles fossiles conventionnels. Cela signifie une énergie plus chère. Même si la base de ressources est importante, avec les technologies actuelles, la nature de ces matériaux signifie qu'elles ne peuvent être produites qu'à des taux relativement lents.
Mais si les molécules d'hydrocarbures sont là et que la société a besoin de l'énergie, ne ferons-nous pas juste tout ce qui est possible pour arriver à ce que les niveaux d'investissement soient tenus pour conserver des flux d'énergie croissante au taux dont nous avons besoin ? Pas nécessairement. Comme nous nous dirigeons vers des ressources de qualité inférieure (conventionnelles ou non), nous devons utiliser plus d'énergie pour acquérir de l'énergie. Quand En les rendements net de l'énergie reculent, le capital d'énergie et d'investissement doivent cannibaliser les autres secteurs de la société afin de garder l'extraction en pleine expansion. Après un certain point, même si la production brute d'énergie augmente encore, la quantité d'énergie donné qui est réellement utile à la société commence à décliner toute façon. Dès lors, il sera impossible d'augmenter la quantité d'énergie économiquement significative produites annuellement, peu importe les sacrifices que nous fairons. Et les signes suggèrent que nous ne sommes pas loin de ce point.
En un sens, il importe beaucoup de savoir si nous choisissons la voix de faible émission de CO2 ou la voix de haute teneur en CO2 : d'un cote, nous jetons les bases d'un futur énergétique durable (même si modeste); de l'autre, nous déstabilisons le climat de la Terre, nous rendant encore plus étroitement dépendant a des sources d'énergie qui ne peut devenir que plus sale et plus coûteuse au fur et a mesure que le temps passe, tout en condamnant une myriade d'autres espèces animales à l'extinction.
Cependant, dans un autre sens, cela n'a pas d'importance quel chemin nous choisissons: Avec des chiffres de population humaine croissante et les contraintes énergétiques qui se profilent, nous aurons moins d'énergie a brûler par habitant dans l'avenir. Quel que soit le scénario évoque, entre un faible niveau d'émission de CO2 et des niveaux extrêmes de teneur en CO2 et cette conclusion tient toujours, ce qui signifie moins d'énergie pour le transport, l'agriculture, et pour chauffer et climatiser les maisons. Moins d'énergie pour fabriquer et utiliser des gadgets électroniques. Moins d'énergie pour construire et maintenir villes.
L'efficacité peut nous aider à obtenir plus de services pour chaque unité d'énergie dépensée. Des recherches ont été poursuivis pendant des décennies sur la façon de réduire les apports énergétiques pour toutes sortes de processus et d'activités. Juste un exemple: l'électricité nécessaire pour l'éclairage a diminué de près de 90 pour cent en raison de l'introduction première des ampoules fluorescentes compactes, et les lumières LED maintenant. Toutefois, les efforts d'efficacité sont soumis à la loi des rendements décroissants: Nous ne pouvons pas fabriquer et transporter les marchandises sans énergie, et chaque étape vers une plus grande efficacité coûte généralement plus cher. Réaliser un rendement de 100% exigerait, en théorie, un effort infini. Ainsi, alors que nous pouvons augmenter l'efficacité et réduire la consommation totale d'énergie, nous ne pouvons pas faire ces choses tout en conservant une croissance économique continue.
L'humanité est à un carrefour. Depuis la révolution industrielle, l'énergie pas cher et abondante a favorisé une croissance économique constante. La seule vraie discussion parmi l'élite managériale était de savoir comment faire croître l'économie, que ce soit par des moyens prévus ou imprévus, que ce soit avec une sensibilité au monde naturel ou sans.
Maintenant, la discussion doit se centrer sur la façon de se contracter. Jusqu'à présent, cette discussion est comme radioactifs, personne ne veut y toucher. Il est difficile d'imaginer une stratégie plus suicidaire pour un homme politique que de fonder sa campagne électorale sur la promesse de contraction économique. Le déni est profond, mais la réalité tôt ou tard, va mettre a jour l'illusion que la croissance infinie est possible sur une planète finie.
Tôt ou tard, nous devrons faire de la conservation l'élément central de la politique économique et énergétique. Le terme «conservation» implique des voitures et des appareils qui consomment moins d'énergie tout en offrant les mêmes services de renforcement de l'efficacité. Mais cela signifie aussi réduire les utilisations non essentielles de l'énergie. Plutôt que de continuer à accroître la demande économique en stimulant les désirs humains, nous devrons commencer à réfléchir à la façon de répondre aux besoins fondamentaux de l'homme avec une consommation minimale de ressources, tout en décourageant l'extravagance.
Si nous nous dirigeons vers des sources d'énergie renouvelables et intermittentes, une plus grande partie de l'effort de la société devra être basée sur les processus de capture de l'énergie. La production d'énergie nécessitera plus de terres et une plus grande proportion de la main-d'œuvre et de l'investissement total de la société. Nous aurons besoin de plus de producteurs de denrées alimentaires, mais moins de gestionnaires et de vendeurs. Nous serons moins mobiles, et chacun de nous possédera moins de produits manufacturés bien que de meilleure qualité, que nous allons réutiliser et réparer aussi longtemps que possible avant de les remplacer.
La transition vers une économie plus durable et résiliente mais moins intensive en énergie ira beaucoup mieux si nous la planifions. Partout où il est possible pour les ménages et les communautés de se pré-adaptater, et où les gens intelligents sont capables de montrer des façons novatrices de répondre aux besoins humains avec un minimum de consommation, il y aura des bénéfices qui pourrons être apprécié et partagé.
àUne grande partie du débat public actuel sur l'avenir de l'énergie a tendance à tourner autour de la question de quelle sources d'énergie alternative poursuivre et comment la mettre à l'échelle . Mais il est encore plus important de reconsidérer globalement la façon dont nous utilisons l'énergie. Nous devons élaborer des stratégies pour répondre aux besoins fondamentaux de l'homme tout en utilisant beaucoup moins d'énergie sous toutes ses formes. Puisque cela nécessitera un effort sociétal soutenue au fil des décennies, il est important de commencer la mise en œuvre des stratégies de conservation bien avant que les pénuries d'énergie réelles apparaissent.
En ce qui concerne notre système alimentaire, il est essentiel de comprendre que des apports énergétiques plus faibles se traduiront par un besoin de main-d'œuvre plus grand. Ainsi, la transition énergétique pourrait représenter des opportunités économiques pour des millions de jeunes agriculteurs. La production agricole doit être adaptée à une réduction substantielle des applications d'engrais azotés et de pesticides chimiques et d'herbicides puisque ceux-ci seront de plus en plus coûteux a mesure que leurs combustibles fossiles d'origine augmenteront en prix. Et la hausse des coûts de transport d'énergie signifient que les systèmes alimentaires doivent être substantiellement relocalises.
Les systèmes de transport doivent être adaptés à un régime de mobilité généralement abaissée et une efficacité énergétique accrue. Cela nécessitera probablement un large recours à la marche et au vélo, le transport motorisé restant facilitée par des programmes de covoiturage et d'auto-partage. Les véhicules électriques et des systèmes de transport public à base ferroviaire devraient être favorisées, et la construction de nouvelles routes interrompues.
Une mobilité globale réduite exigera des changements importants dans la pratique du design urbain et des politiques d'utilisation des terres. Les quartiers a l'intérieur des villes doivent devenir plus autonome, et les villes doivent être réintégrés avec les zones rurales productives adjacentes. Les bâtiments, y compris les dizaines de millions de maisons individuelles aux États-Unis , doivent être équipés d'une isolation pour réduire les besoins d'énergie en chauffage et en refroidissement. Les nouveaux bâtiments doivent exiger un apport net d'énergie égal à zéro. Des mesures incitatives pour l'installation de systèmes d'eau chaude solaires résidentiels, et l'utilisant de four solaires et de cordes à sécher le linge, devraient être efficaces et répandus.
La plupart des nouvelles sources d'énergie vont produire de l'électricité et dans le cas du solaire et de l'éolien, cette électricité ne sera produite que par intermittence. Les systèmes de stockage d'électricité (tels que le pompage turbinage ou l'air comprimé) doivent être construits pour pallier au moins certains des problèmes d'intermittence. La reconfiguration des réseaux électriques, la production distribuée, et le réalignement des habitudes d'utilisation d'énergie domestiques et industriels pour une adaptation à la disponibilité d'énergie intermittentes sont d'autres stratégies d'adaptation.
La relation historiquement étroite entre l'augmentation de la consommation d'énergie et la croissance économique suggère que l'économie mondiale ne peut probablement pas continuer à se développer si la production d'énergie mondiale vacille. Par conséquent, les mesures d'adaptation doivent inclure des efforts pour restructurer l'économie pour répondre aux besoins fondamentaux de l'homme et soutenir l'amélioration de la qualité de vie tout en réduisant la dette et de la dépendance envers les intérêts et les revenus de placement. La planification familiale doit être encouragée, car ajouter plus de gens à une économie stagnante ou en décroissance signifie simplement qu'il y aura moins pour tout le monde.
Les coûts pour l'intégrité écologique et la santé humaine qu'induisent l'ampleur croissante de la production industrielle et des systèmes de transport de la société sont devenus un sujet de préoccupation croissant au cours des dernières décennies. La pollution de l'air et de l'eau, l'épuisement des ressources, l'érosion des sols et la perte de biodiversité sont quelques-uns de ces coûts. Avec une utilisation réduite de l'énergie doit venir la réalisation que l'ampleur de notre présence humaine sur la planète doit être adaptée au budget limités de la Terre en matière d'eau, d'énergie et de productivité biologique.
Au total, cela constituera un tournant historique s'éloignant d'une croissance sociale continue vers la conservation. Cela ne sera entrepris que par nécessité, mais la nécessité approche inévitablement. Sauf miracle technologique, nous aurons moins d'énergie, que cela plaise ou non. Et avec moins d'énergie, nous ne serons plus en mesure de faire tourner la société de consommation. Le genre de société que nous serons en mesure de faire fonctionner sera presque certainement aussi différent de la société industrielle de ces dernières décennies que l'était la société agraire du XIXe siècle.
Mais supposons que cette analyse soit erronée, ou qu'une nouvelle technologie miracle apparaisse, et que l'énergie s'avère abondante plutôt que rare. Même alors, la conservation est logique: l'augmentation de la consommation d'énergie entraîne une plus grande consommation de ressources naturelles de toutes sortes, et la dégradation des systèmes naturels sauvages. Tôt ou tard, nous devrons freiner la consommation et, puisque des signes de déclin écologique sont déjà effroyablement répandus, plus tôt est nettement meilleure que plus tard.
Le passage à une société de conservation pourrait avoir des avantages pour les personnes autant que pour la nature. Si nous commençons à mesurer le succès non par la quantité de notre consommation, mais aussi par la qualité de notre culture, la beauté de l'environnement bâti et la santé des écosystèmes, nous pourrions finir par être beaucoup plus heureux que nous ne le sommes aujourd'hui, même si nous laissons une empreinte beaucoup plus petite sur notre planète finie. Mais ces avantages seront retardés et dilués aussi longtemps que nous refusons l'impératif de conservation.
2 commentaires:
Merci Vincent pour cette brillante analyse,dans la region ou vous vous trouvez etre actuellement ,comment reagissent les personnes a ces problematiques.
merci a vous et l'existance de ce blog .
rectificatif:Merci a Richard Heinberg....merci pour la traduction.
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