jeudi 8 septembre 2011

Galets

Un petit texte écrit pour la regrettée revue article, sur le thème des water closet :

Le drame de notre époque, c’est que quoique ce soit, multiplié par les six milliards d’habitants de la planète et multiplié par les 365 jour de l'année, ça produit tout de suite des chiffres astronomiques. Par exemple, appliqué au dix litres quotidien de votre chasse d’eau, on obtient quelque-chose comme vingt deux milliard de mètre cube d’eau par an, ce qui serait assez pour noyer Paris sous 200 mètres de flotte !! Sans parler du tonnage de PQ et la quantité d’eau qu’il faut en amont pour produire le papier. 

C’est le genre de question que je ne me posais pas trop en 1999 quand je débarquais a Djibouti, petit bout de désert coincé entre la Somalie et l’Ethiopie. Vous avez compris que je vais parler de consommation d’eau dans le désert, mais laissez moi d’abord planter le décors. 


Je suis arrivé un matin sans à priori et sans enthousiasme particulier. Je devais m'accoutumer à cette ville pour y passer vingt mois à "coopérer". Djibouti, la ville, c’est un centre abritant quelques magasins pour coopérants et beaucoup de bars “à légionnaires” dans quelques immeubles de style colonial délabré. En marchant un peu, on arrive dans "les quartiers", des maisons en parpaings bruts et tôles rouillées, des rues étroites et en guise d'égout une vague rigole d'eau croupie où flottent des déchets pestilentiels. Pour résumer, des bidonvilles plus vrais qu'à la télé. Très vite, vous franchissez les dernières cabane en tôle et vous arrivez dans un paysage aride de caillasse qui s'étend a perte de vue.

Les premiers jours, je ne me promenais qu'en début d'après-midi, à l'heure de la sieste, heure où les rues sont désertes et les couleurs écrasées par le soleil et la poussière, heure où il faut éviter de piétiner les gens faméliques habillés d'un bout de tissu et dormant sur le trottoir. Et je peux vous dire que pour un gaal (un petit français), le dépaysement est total !!

Les gaals arrivent avec leur bagage d'idées préconçues sur le développement , certain restent droit dans leur bottes quoiqu’il arrive et s’accrochent comme a une bouée a une image idéalisée du progrès, d’autres se laisse déstabiliser et commencent a se poser des questions qui pourrait paraître excentriques au spectateur de tf1. 


Ainsi, pour moi, c'était : Doit-on vraiment imaginer fournir du PQ et des toilettes avec chasse d’eau a toute la population de cette ville construite sur le désert ?

Il se trouve que je fut d'emblée confronté au problème puisque mon travail était de construire des écoles dans le désert financées par des organismes internationaux. Dans le tableau excel du projet, il y a bien la case “sanitaire” avec son lot “plomberie” mais il n’y a pas la case “usine de desalinisation d’eau”. 

Pour les enfants des écoles, fils et filles de nomades d'ethnies Afars ou Somalienne, le tableau excel n’a pas beaucoup d’importance, ils gardent leurs habitudes d’habitants du désert, ils vont chercher quelques galets et il s’en servent comme nous de papier au grand dam du coopérant qui n’a pas dimensionnés les tuyau PVC pour évacuer les galets.

Ne vous êtes vous jamais demandé comment les gens “faisaient” avant le papier toilette ? Utilisaient-ils des journaux, des tissus lavables ou de l’eau et leur main ? Mais avant les journaux, l’industrie textile ou l’eau courante ? 

La réponse c’est que les gens faisaient avec ce qu’ils avaient. Ils allaient déféquer le long du ruisseau et se rinçais a l’eau fraîche, dans la foret, ils utilisaient des feuilles et dans le désert, des galets.

Et le galet est quand on y pense une solution assez élégante au problème : Il a un cote lisse et doux, il tient bien en main, ne se déchire pas et ne nécessite pas d’eau. Il peut être laissé a sécher au soleil, est lavé naturellement par les vents du désert. Ce galet peut même par la suite devenir un petit oasis pour quelque insecte local. Le galet est abondant et écologique, pourtant il n’est pas biodégradable. Il est adapte au temps du nomade, un temps géologique contre lequel on ne lutte pas et dans lequel les objets de l'occident semblent se dégrader de manière indécemment rapide.

Ne m'interprétez pas de travers : le PQ est aussi classe pour moi dans ce dont j’aurais du mal a me passer. C’est donc un problème épineux!! 



Je ne remet pas en cause le progrès. Oui, on est plus heureux quand on a le ventre plein et qu'on est en bonne santé et qu’on ne travail pas comme un âne. Mais je voudrais souligner que, bien que les nomades qui vivent avec leurs troupeaux de chèvre dans les paysages semi-désertiques sont aussi démunis que les plus pauvres des bidonvilles, les inégalités gigantesques et les besoins inassouvis que suscite la ville leur sont étranger. Le dépouillement le plus extrême trouve sa source dans le paysage et par un développement normal, progressif, doux, l'eau garderait sa préciosité et des solutions d'économie s’imposerait naturellement.

Le bonheur n’est pas dans le PQ !!

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire