Quatrième et dernière partie
de l'article de David Korowicz où il parle principalement de
dynamique de système en donnant une vision très enthousiasmante
du futur.
Ceci dit,
j'attends toujours que quelqu’un me donne une grille de
lecture alternative qui expliquerait aussi bien ce à quoi nous
assistons en ce moment : effondrement des systèmes monétaires,
crise financière, économique, hausse du prix
de l’énergie et des matières premières,
crise alimentaire... etc
Dynamique de l'effondrement :
Le modèle de contraction oscillatoire ne prend pas
en pas compte correctement certaines des structures intégrées de
l'économie mondiale qui, bien que relativement évidentes, ont été
obscurcies par le fait qu'elles ont été adaptées à une économie
en pleine croissance. Si la production de pétrole baisse, et que
nous ne pouvons pas combler le fossé entre l'énergie nécessaire à
la croissance et ce qui peut être produit, comme nous l'avons vu
dans le modèle de contraction oscillante, cela limite la
disponibilité d'autres types d'énergie, alors l'économie mondiale
doit continuer à se contracter . En bref, l'humanité est aux
limites ou a dépassé les limites à la croissance.
Les structures intégrées qui échoueraient à se
contracter d'une manière ordonnée s’effondrerait. Les structures
qui se décomposeraient incluent le système monétaire et financier,
les infrastructures essentielles, les économies d'échelle mondiale,
et la production alimentaire. Comme souligné plus haut, ces
structures sont profondément interdépendantes. En conséquence,
leur effondrement se renforceraient mutuellement. Leur effondrement
saperait l'ensemble du tissu opérationnel et le fonctionnement de
l'économie mondiale et tout ce qu'elle supporte.
Il a été argumenté jusqu'à présent que notre
civilisation est un seul système adaptatif complexe. Les systèmes
adaptatifs complexes, et les sous-systèmes dont ils sont composés,
sont une caractéristique de systèmes thermodynamiques ouverts . Et
bien qu'il en existe une grande diversité, des marchés aux
écosystèmes, ou au comportement d’une foule, leurs propriétés
dynamiques ont des caractéristiques communes. La plupart du temps
les systèmes adaptatifs complexes sont stables, mais beaucoup
d'entre eux ont des seuils critiques appelés points de basculement,
quand le système se déplace brusquement d'un état à un autre. Les
points de basculement ont été étudiés dans de nombreux systèmes,
y compris les crashs de marché, les brusques changements
climatiques, l'effondrement de la pêche et les crises d'asthme.
Malgré la complexité et le nombre de paramètres au sein de tels
systèmes, le méta-état du système peut souvent être dépendant
seulement d'une ou deux variables clés d’état. [22]
Des recherches récentes ont indiqué que ces
systèmes, à l'approche
d'un point de basculement, commencent à avoir des caractéristiques
comportementales communes, indépendamment du type particulier de
système. [23] Cette unité entre les dynamiques de systèmes
disparates nous donne un formalisme par lequel décrire l'état
dynamique de la civilisation globalisée, via sa mesure approximative
du produit mondial brut (PMB) et de sa variable d'état majeur, le
flux d'énergie.
On donne le nom de bifurcation catastrophique à un
type de transition, où une fois le point de basculement passé,
une série de rétroactions positives conduit le système à un état
contrasté. Par exemple, comme le climat se réchauffe, il augmente
les émissions de méthane de la toundra arctique, qui entraîne un
changement climatique encore plus fort, ce qui conduit à une
croissance supplémentaire des émissions. Cela pourrait déclencher
d'autres points de basculement, comme la mort de la forêt dans le
bassin de l'amazone, ce qui conduirait à
d'autres émissions. Ces rétroactions positives pourraient
signifier que tout ce que l'humanité pourrait essayer de faire
n’aurait plus aucun impact puisque ce serait submergé par
l'accélération de la beaucoup plus grande échelle de ces procédés.
De petits changements peuvent produire une grande réponse |
Figure 2 : L'état d'un système réagit à tout changement de ses conditions. La ligne continue représente un équilibre stable. Dans le schéma A, un changement dans les conditions entraîne une réponse approximativement linéaire dans l'état du systèmes, au contraire du schéma B où un seuil est franchi et la réaction au changement de condition devient très sensible. Les schéma a bifurcation pliée (C, D) ont trois équilibres pour la même condition, mais celui représentée par la ligne pointillée est instable. Cela signifie qu'il y a une gamme d'états du système qui sont dynamiquement instables quelle que soit la condition. Source [24].
La figure 2 montre comment l'état du système répond à un changement de conditions. L'état d'un système pourrait représenter la taille d'une population de poissons, ou le niveau de la biodiversité dans une forêt, tandis que les conditions pourraient représenter la charge en éléments nutritifs ou la température (les deux étant vecteurs d'énergie). La ligne continue représente un équilibre stable, la ligne en pointillé un équilibre instable. Dans un équilibre stable, l'état du système peut être maintenu une fois que la condition est maintenue. Dans la figure a) et b), nous voyons deux réponses différentes d'un système stable dans des conditions changeantes. Dans la première, un changement donné dans des conditions a un effet proportionnel sur l'état du système, dans le second, l'état est très sensible à un changement des conditions. En c) et d) le système est dit être proche d'une bifurcation catastrophique. Dans ces deux cas, il y a une région instable, où il existe une gamme d'états du système qui ne peut pas être maintenu. Si un état du système est dans un régime instable, il est conduit de manière dynamique à un autre état stable disponible. Si l'on est proche d'un point de basculement à une bifurcation catastrophique le moindre changement dans la condition peut provoquer un effondrement vers un nouvel état comme dans c), ou une petite perturbation peut conduire le système au bord de la frontière comme en d).
L'état de notre civilisation dépend nécessairement
de l'état de l'économie mondiale. J'ai mentionné précédemment
que l'économie mondiale a été dans un état dynamique mais stable
depuis 150 ans ou plus, parce qu'il y a eu, pendant cette
période, une croissance économique d'environ 3% par an avec
une bande étroite de fluctuation . L'état de l'économie mondiale
est indiqué par la croissance annuelle du PMB (Produit
Mondial Brut) d'environ 3%, et le PMB est absolument dépendant de
flux croissants d'énergie.
Pour prétendre que la civilisation est sur le point
de s'effondrer, il est nécessaire de montrer que des rétroactions
positives existent qui, une fois un point de basculement passé,
le système est entraîné
rapidement vers un autre état contrasté. Il est également
nécessaire de démontrer que l'état de l'économie mondiale est
entraîné vers un régime instable, où la force du processus de
rétroaction est plus grand que tout processus de stabilisation. Il
faut aussi reconnaître qu'il peut y avoir une période de
déclin oscillant au début , mais que les composants
structurels majeurs (la finance internationale, la techno-sphère)
chutent ou «gèlent»
, un effondrement irréversible doit se produire.
Dans le nouvel état d'équilibre d'après
l'effondrement, on pourrait s'attendre à une chute de la
richesse matérielle et de la productivité, une localisation /
dé-mondialisation, et un effondrement de la complexité par rapport
à avant - une expression de la réduction des flux d'énergie .
Les mécanismes de l'effondrement :
Le système monétaire et financier :
Au moment où j'écris, les craintes sont exprimées
que le défaut de la dette souveraine grecque est peut-être
inévitable et que, par conséquent, les marchés pourraient refuser
de prêter à l'Irlande, au Portugal et à
l'Espagne, les obligeant également au défaut. En
Irlande, comme dans d'autres pays, la déflation se poursuit puisque
la base monétaire se réduit, et les gens
diminuent leurs dépenses en raison des craintes de chômage
futur. Comme notre fardeau de la dette devient plus grand par rapport
à notre revenu national, cela ajoute à l'instabilité dans la zone
euro. Un défaut contagieux serait un coup majeur pour les banques
allemandes et françaises, qui ont prêté à ces quatre pays.
L'historien de l'économie Niall Ferguson a fait valoir que les
déficits budgétaires américains pourrait conduire à un certain
point dans le futur à un effondrement rapide de l'économie des
Etats-Unis, notant que "la plupart des chutes impériales sont
associés à une crise financière". [25] Une telle crise ferait
glisser vers le bas toutes les économies, y compris celles de la
Chine et l'Arabie saoudite.
Ces exemples font ressortir trois choses. La
première est que bien que l'argent n'a pas une valeur intrinsèque,
elle peut néanmoins décider du sort des nations et des empires. La
seconde est que dans une économie intégrée globalisé, une crise
dans une région peut devenir la crise de tout le monde. Enfin, cela
souligne que les risques découlant d'un endettement énorme (et de
déséquilibres commerciaux induits) sont toujours bien présents,
indépendamment des contraintes de ressources. Ce dernier point est
assez ironique puisque jamais nous n'avons été aussi endettés, ce
qui est essentiellement l'expression de notre foi dans la croissance
économique future, alors même que cette croissance devient
impossible en raison de contraintes de ressources.
Précédemment, j'ai expliqué que le système
monétaire et financier est une plaque tournante de l'infrastructure
de l'économie mondiale, sans autre alternative opérationnelle. Il
est basé sur le crédit, les intérêts et les monnaies fiduciaires.
Le crédit est à la base de notre système monétaire, du
financement des investissements, du financement du déficit du
gouvernement, des déficits commerciaux, des lettres de crédit, du
marché obligataire et de la dette des entreprises et des personnes.
Le crédit, et la promesse d'une croissance économique future,
soutiennent notre marché boursier, la production, l'emploi et bien
d'autres choses. Il s'agit d'une infrastructure primaire
institutionnelle de l'économie mondiale.
Sur l'ensemble de l'économie, pour que la dette
soit remboursée avec intérêt, l'offre de monnaie doit augmenter
d'année en année pour remplacer l'argent perdu pour l'économie
lorsque les paiements d'intérêts sont faits [1]. L'argent est
injecté dans l'économie lorsque des prêts supplémentaires sont
retirés. En conséquence, le paiement des intérêts exige un niveau
croissant de dette et, éventuellement, le niveau de dette deviendra
insupportable à
moins que les revenus n'augmentent aussi, soit parce que
l'économie a cru ou parce qu'il y a eu inflation. Si les
remboursements de prêts y compris les intérêts dépassent la
valeur des nouveaux prêts accordés,
la base monétaire se contracte. Si elle le fait, moins
d'affaires peuvent être faites, de sorte que des entreprises font
faillite et qu'il y a moins de pouvoir d'achat dans l'économie ce
qui entraîne aussi des difficultés croissantes avec le services des
dettes. Cela incite les gens à dépenser moins, et les emprunts
d'investissement baissent. En d'autres termes, une spirale
déflationniste se développe. Au contraire, si la dette, et donc
l'offre de monnaie, augmente sans une augmentation correspondante
dans le PIB, le pouvoir d'achat de l'argent est réduit par
l'inflation.
L'augmentation du PIB nécessite que les flux
d'énergie et de matériaux augmentent. S'il y a une contraction
des flux d'énergie, l'économie doit se contracter. Dans une
économie en croissance, les dettes peuvent être remboursées à
échéance, parce que les emprunteurs sont prêts à prendre des
prêts supplémentaires suffisant pour couvrir le paiement du
principal plus les intérêts sur les prêts anciens comme ils
arrivent à terme. Dans
une économie en contraction, le revenu qui diminue rend le paiement
des intérêts de plus en plus difficile, puisque avec des niveaux
d'emprunts inadéquats, la base monétaire baisse. Une autre façon
d'exprimer cela est que la réduction des flux d'énergie ne peut pas
maintenir la production économique nécessaire pour le service de la
dette. La valeur de la dette doit être ramenée à un niveau
approprié pour le nouveau niveau de production. Cette dépréciation
peut être réalisé par un défaut en masse ou par l'inflation. Par
conséquent, si l'économie devrait se contracter, année après
année, le nombre de personnes prêtes à emprunter ou à
prêter de l'argent de façon classique va se tarir, comme personne
ne sera convaincu que les emprunteurs ont un revenu suffisant pour
effectuer les paiements d'intérêts .
Les principaux actifs d'une banque sont les prêts
notés dans ses comptes.
Si même un dixième de ces prêts ne peut pas être remboursé,
cette banque est anéantie parce que pour compenser les pertes il
faudrait plus que le capital de ses actionnaires et des bénéfices
non distribués. Les déposants ne pourraient pas être remboursés
en totalité et le gouvernement ou la banque centrale aurait à
intervenir pour réparer la perte et permettre à la banque de
continuer à commercer. Si les pertes de la banque se poursuivent et
que les revenus et la valeur des actifs baissent encore, le
gouvernement est susceptible d'atteindre la limite de sa capacité
d'emprunt. Il resterait à la banque centrale à créer de l'argent à
partir de rien pour combler le trou dans les livres de la banque,
mais elle est susceptible d'être réticente à le faire de peur que
la nouvelle monnaie soit une cause d'inflation.
Contrairement à des crises monétaires précédentes, une qui serait causée par la baisse des revenus et des valeurs d'actif serait systémique et globale. Il n'y aurait pas «d'extérieur» prêteur de dernier recours, ou d'une devise externe forte pour constituer une réserve importante pour des importations. Le système ne pourrait pas non-plus être réinitialisé dans l'attente d'une croissance future, car ces attentes seraient peu fondées.
Comme les pressions déflationnistes se
poursuivraient tant que la crise se développerait, les prix du
pétrole, de la nourriture, et de la dette augmenterait par rapport
aux revenus des gens qui auraient tendance à
baisser. Il y aurait donc une augmentation de la fréquence des
défauts souverains, des effondrements bancaires, une baisse de la
production, des achats paniques et des finances publiques brisées.
Dans un tel contexte, imprimer de l'argent (pas nécessairement par
un assouplissement quantitatif classique) et
des réévaluations monétaires sont susceptibles de
devenir nécessaires. À moins que la question de l'argent ne soit
étroitement contrôlée, cela pourrait ouvrir la porte à de
l'hyper-inflation. Cependant, la prévision et le contrôle de
l'offre de monnaie peut être très difficile en raison de
l'incertitude intrinsèque de l'environnement monétaire et
économique. Il y a en effet un risque d'inflation supplémentaire
si les gens commencent à avoir des doutes sur leurs dépôts
bancaires et sur la stabilité monétaire à
venir , ils peuvent commencer à dépenser sur les nécessités
et les actifs durables, ce qui augmenterait la vélocité de l'argent
et accroîtrerait encore l'inflation.
La confiance est le principe central qui sous-tend
le système monétaire mondial et donc les réseaux de commerce sur
lesquels nous nous appuyons. Les gouvernements peuvent, en théorie,
imprimer de l'argent sans fin, sans presque aucun coût. Que nous
l'échangions contre nos biens limités, ou notre travail fini, est
une mesure de la confiance remarquable qui nous a été léguée par
notre expérience de la croissance de la mondialisation. L'économiste
Paul Seabright soutient que la confiance entre des êtres humains
sans lien extérieur à
leurs propres réseaux tribaux ne peut pas être considérée comme
acquise. [26] Comme le commerce est, en général, à notre avantage,
nous avons développé des institutions de confiance et de dissuasion
(«règle», les systèmes juridiques, le FMI, la réglementation
bancaire, les assurances contre la fraude, et l'Organisation mondiale
du commerce, etc ) afin de renforcer la coopération et de dissuader
les escrocs. La confiance est à
la base du respect dans les échanges, ce qui confère des avantages,
ce qui renforce la confiance. Mais l'inverse est également vrai. Une
rupture de la confiance peut provoquer des défections dans le
respect des échanges, réduisant davantage la confiance.
Parce que notre gouvernance et la politique
monétaire sont nationales (l'euro est susceptible d'échouer), mais
que nos besoins de base sont fournis globalement, les pays seront
tentés de se livrer à des dévaluations prédatrices suivie par de
l'inflation. Cela pourrait se produire même si les gouvernements
émettaient de l'argent sans dette pour les citoyens. Les
gouvernements agissent d'abord pour leurs propres citoyens. Dans
une crise en évolution, ils sont également susceptibles
de favoriser des avantages immédiats plus clairs à
des avantages futurs incertains. Face à
des besoins nationaux immédiats et projetés, à
la perspective d'une baisse continue de la base de
production mondiale et à
des risques d'effondrement dans le tissu opérationnel, les
gouvernements risquent d'être confrontés au choix suivant :
maintenir la valeur de la monnaie par des émission limitées en
espérant qu'elle continuera à l'avenir à
être plus acceptable pour les commerçants étrangers,
ou imprimer de l'argent "furtif" pour essayer de
mettre le grappin sur les actifs et les
ressources internationaux avant il y ait une défaillance
majeure du système. Par ailleurs, si les crises monétaires sont
considérées comme inévitables, et que les actifs en dur ou le
troc comme garantie de change sont susceptibles de les remplacer,
alors la fin du dévouement d'un pays à la stabilité monétaire
devient une question de quand, et non plus de si. De cette façon, la
dynamique de confiance mondiale qui a évolué dans une certaine
confiance dans la croissance future, commencer à se
décomposer.
Rappelez-vous, qu'on n'échange quelque chose avec
une valeur intrinsèque contre de la monnaie que si l'on peut
supposer que l'argent que nous obtenons peut être échangé
ultérieurement pour autre chose avec une valeur intrinsèque. En
d'autres termes, nous devons être en mesure de supposer que les taux
de change seront stables et que l'inflation sera faible dans la
période avant de dépenser de l'argent à
nouveau. L'instabilité de l'argent de la dette, des monnaies
fiduciaires et des dévaluations compétitives retirent entièrement
la base de cette hypothèse. L'argent devient très difficile à
évaluer dans l'espace (pour les devises étrangères et le commerce)
et dans le temps (pour l'épargne et l'investissement). Nous pouvons
dire que cela devient opaque.
L'inter-médiation bancaire, le crédit et la
confiance dans le fait que l'argent retient sa valeur sont les
fondements des réseaux commerciaux complexes sur lesquels nous
comptons. L'inadéquation entre notre dépendances envers les chaînes
d'approvisionnement mondiales, régionales et locales, les systèmes
monétaires, et la politique économique nationalisée, qui n'a
pas été un problème jusqu'à présent, va le devenir au fur et à
mesure que la crise monétaire se développe. Un effondrement
complet dans le commerce mondial en serait une conséquence extrême,
mais pas improbable.
Même si les dettes était pardonnées
ou dégonflées par
l'inflation, une proportion beaucoup plus élevée des revenus
réduits de tout le monde sera absorbée par la nourriture et les
achats d'énergie. Toutefois, un pays ne sera en mesure d'importer de
l'énergie, de la nourriture et des intrants pour ses procédés de
production sans exporter quelque chose de valeur égale, car il ne
sera plus accordé de crédit à un déficit commercial.
L'incertitude sur la valeur de l'argent, et les craintes de
dégradation future du tissu opérationnel, sont susceptibles de
signifier que des produits tels que l'or, le pétrole, les céréales
et le bois puissent être utilisé comme monnaie pour régler ses
comptes. Cependant, cette forme de paiement est mal adaptée à la
complexité des échanges globaux.
Les exportations vont s'effondrer avec le niveau de
production dans un pays, ce qui rendra encore plus difficile
d'importer de l'énergie ou des matériaux pour augmenter la
production. Comme je l'ai expliqué précédemment, les économies
modernes ne produisent presque rien localement, quand la chaîne
d'approvisionnement sera en panne cela provoquera de plus en plus
fréquemment l’indisponibilité des intrants clés pour la
production . Cela provoquera des problèmes de production
supplémentaires et il est probable que les pays restent bloqués à
un niveau très faible d'activité économique.
Par ailleurs, parce que nos chaînes
d'approvisionnement sont si complexes et mondialisées, les
défaillances locales en matière de stabilité monétaire, de manque
d'intrants, ou de tissu opérationnel se propageraient à travers les
chaînes d'approvisionnement et d'autres liens tissus
opérationnels nationaux . De cette façon, les
défaillances localisées deviendraient rapidement
mondialisées.
L'alimentation :
Les producteurs alimentaires mondiaux sont déjà en
difficulté pour répondre à la demande croissante à
cause du stress de la dégradation des sols, des pénuries d'eau, de
la surpêche et des effets bourgeonnants du changement
climatique. [28] Il est estimé qu'entre sept et dix calories de
combustible fossile d'énergie vont dans chaque calorie des aliments
que nous consommons. Il a été estimé que sans engrais azoté,
produit à partir de gaz naturel, pas plus de 48% de la population
d'aujourd'hui pourraient être nourris à un niveau insuffisant
de 1900 . [29] Aucun pays n'est auto-suffisant en
production alimentaire aujourd'hui.
La fragilité du système de production alimentaire
mondiale serait exposée par une baisse de production de pétrole et
autres énergies. Ce n'est pas seulement l'apport d'énergie la plus
directe, comme le diesel, qui seraient touchés, mais les engrais,
les pesticides, les semences, et les pièces détachées pour les
machines et le transport. Un tissu opérationnel défaillant peut
signifier qu'il n'y a pas d'électricité pour la réfrigération,
par exemple.
Il devrait être clair, grâce à
l'aperçu ci-dessus qu'un effondrement financier majeur ne
consisterait pas simplement en une production alimentaire réduite
par rapport à la
production actuelle, mais pourrait entraîner que les aliments
pourrissent dans les champs, une incapacité à relier la production
excédentaire à ceux qui en ont besoin, un manque de pouvoir d'achat
et une incapacité à mettre en place des échanges alimentaires
monétisés.
Notre dépendance critique envers la chaîne
d'approvisionnement complexe en flux tendu signifie qu'il y
a peu d'amortisseurs pour nous protéger contre les chocs d'offre.
Dans le cas d'un choc, sauf si des précautions sont prises, il est
probable que la faim pourrait se propager rapidement. Même dans un
pays qui serait indépendant alimentairement ou un
exportateur net, cela pourrait prendre des années pour mettre en
place de nouveaux systèmes. Dans l'intervalle, les risques sont
graves.
Le primat du nécessaire et
les économies d'échelle inversées :
Nous avons mentionné que de plus en plus du revenu
en baisse des gens se reportera sur
des achats non-discrétionnaires, en particulier les vivres
et l'énergie. Qu'est-ce que cela signifie pour les économies
développées, où la plupart de l'énergie et une bonne quantité de
la nourriture sont importées, et ou ces secteurs emploient seulement
quelques pour cent d'une population ? Cela signifie non seulement un
chômage de masse, mais aussi un petit pouvoir d'achat disponible
pour les nécessités dont nous dépendons . Une situation
similaire pourrait exister dans d'autres pays. Importations et
exportations chuteraient rapidement. Les chômeurs, scolarisés et
adaptés aux rôles spécialisés et en grande partie dans les
services de l'économie mondialisée, seraient tout à fait perdants
pour une période considérable.
De plus nous serions confrontés à
des économies d'échelle inversées. Quand la taille, l'intégration
et la complexité de l'économie mondiale a augmenté, notre
bien-être local est devenu de plus en plus dépendants des économies
d'échelle mondiales. Les économies d'échelle de travail à tous
les niveaux et pas seulement dans les biens que vous achetez, mais
dans l'ensemble des composants qui sont entrés dans sa réalisation,
et ainsi de suite. De même, toutes les plate-formes
d'infrastructures dépendent des économies d'échelle mondialisées.
Les prix unitaires plus bas ont conduit à de plus grands volumes de
vente et ont également libéré un revenu discrétionnaire
pour être consacré à d'autres biens et services. Ainsi, notre
pouvoir d'achat est trop dépendant des économies d'échelle.
L'évolution de nos économies et des infrastructures économiques a
été fondée sur des économies d'échelle croissantes.
Si le processus de mise à l'échelle en place fait
marche arrière, le pouvoir d'achat se réduit, et les
consommations non discrétionnaires se contractent, et le
chômage augmente. Moins de biens et services sont vendus, ce qui
réduit les économies d'échelle, ce qui provoque une hausse des
prix, entraînant de nouvelles baisses dans les ventes. Le problème
est particulièrement aigu pour les produits très complexes et les
services dont la substituabilité est limitée, et ceux qui ont des
coûts opérationnels élevés.
Par exemple, si peu d'utilisateurs pouvaient se
permettre de remplacer leurs téléphones mobiles ou leurs
ordinateurs, ou les utilisaient moins, le coût du matériel
personnel et l'entretien du réseau augmenterait par utilisateur. La
hausse des coûts signifierait utiliser moins et ainsi de suite. Ceci
est une affaire sérieuse pour les opérateurs, car les plate-formes
informatiques communes nécessitent un grand nombre d'utilisateurs
pour maintenir les coûts par utilisateur faible. En effet,
l'utilisation la plus discrétionnaire (par exemple, Facebook, SMS et
Playstation) sert à
réduire le coût pour des utilisations plus importantes
telles que les opérations commerciales, bancaires, le réseau
d'électricité et les services d'urgence. Retirez les utilisations
discrétionnaires et le coût pour les entreprises et les services
critiques commence à dégénérer. Par ailleurs,
les grosses infrastructures ont un coût fixe de
fonctionnement et d'entretien. Lorsque le revenu est inférieur au
coût d'exploitation, le système sera désactivé à
moins d’être soutenu de l'extérieur. Comme le revenu du
gouvernement serait susceptible de tomber fortement, cela pourrait ne
pas être possible.
Les infrastructures essentielles :
Nous sommes profondément dépendants des réseaux,
d'informatique et de communications, de transports, d'eau et d'eaux
usées, et d'infrastructure bancaire. En général, ces produits sont
parmi les plus technologiquement complexes et coûteux dans notre
civilisation. Leur échelle et leur capacité sont déterminées par
la croissance courante et projetée des économies, ce qui
signifie qu'ils ont des coûts fixes élevés. Ils sont viables parce
qu'il y a du pouvoir d'achat, des économies d'échelle, des
chaînes d'approvisionnement ouvertes et une stabilité monétaire en
général dans le monde entier.
En raison de leur complexité et de leur ampleur (ce
qui implique des niveaux élevés d'usure entropique), cette
infrastructure nécessite un apport continu d'entretien et de
réparations. Ces entrées sont souvent très complexes, ont une
durée de vie limitée et nécessitent des composants spécialisés
qui dépendent de chaînes d'approvisionnement diversifiées et
étendues. Pour les différentes raisons discutées, des substituts
ou des sous-composants pour l'entretient peuvent ne pas exister, ce
qui provoquerait une décomposition de ces infrastructures critiques.
Ou encore, le fournisseur d'infrastructure ou le fournisseur de
composants peuvent ne pas être en mesure d'acheter les intrants dus
à la perte de pouvoir d'achat dans les économies, la perte des
économies d'échelle ou de l'effondrement monétaire.
Le couplage étroit entre les différentes
infrastructures amplifie le risque d'une défaillance en cascade dans
nos infrastructures essentielles et donc un échec complet systémique
du tissu opérationnel dont notre bien-être dépend. Tout du moins,
une infrastructure défaillante renforce la contraction
économique et la consommation d'énergie, ce qui
sape encore la capacité à
maintenir les infrastructures en l’état.
La dynamique du système financier:
Notre connaissance et nos attentes sur le futur
forme ce futur. Un domaine qui est des plus sensible à cette
question est celui des marchés financiers.
L'argent n'a de valeur que parce qu'il peut être
échangé contre un véritable bien, comme de la nourriture, des
vêtements ou un voyage en train. Tant que nous partageons la
confiance dans la stabilité monétaire, nous pouvons économiser,
commercer et investir. C'est un bien virtuel, car il représente
seulement une créance sur quelque chose de physiquement utile. [27]
Pour la plupart d'entre nous, obligations et actions sont virtuelles,
puisque les actionnaires ont très peu d'accès significatif à tous
les actifs physiques sous-jacent, l'argent sert
d'intermédiaire. Cependant, la valorisation actuelle des actifs
virtuels domine les actifs productifs réel sur lesquels
leur valeur est censée être fondée. Une reconnaissance de dette
est précieuse, car nous nous attendons à être remboursés avec
intérêt dans quelques années; Payer 20 fois les bénéfices pour
des actions dans une entreprise est une mesure de la confiance dans
la croissance future de cette société. Inversement, si un actif
productif ne peut être produit en raison des contraintes sur
l'énergie et les ressources et le tissu opérationnel, elle
perd sa valeur. Cela implique que la richesse virtuelle, y compris
les fonds de pension, des garanties d'assurance et de la dette,
vaudra beaucoup moins qu'à l'heure actuelle, ou même s'évaporera
[2].
La reconnaissance généralisée par les
participants du marché (et gouvernements) que le pic pétrolier est
sur nous, couplée à une compréhension de ses conséquences, est
susceptible de bloquer le système financier mondial. Au début,
seulement un peu d'acteurs du marché vont commencer à remettre en
question leur foi dans la stabilité globale et dans la croissance
continue du système et donc dans la valeur probable de leurs actifs
virtuels. Cependant, la transition peut être très rapide entre un
peu d'acteurs du marché acceptant l'idée que le système pourrait
se briser définitivement, et une acceptation à grande
échelle. Une rétroaction positive, axée sur
la crainte , pourrait se développer entraînant
la conversion vers des actifs réels d'une montagne d'actifs de
papier virtuel. Cela aiderait à précipiter une chute irrémédiable
du système financier et économique.
Le problème du re-boot
L'occasion de re-démarrer l'économie mondialisée
depuis un creux dans le modèle de contraction oscillant, ou depuis
un état effondré, dans le but de retourner à l'état opérationnel
actuel, est susceptible d'être profondément problématique. Nous
pouvons considérer cela à partir de quatre points de vue.
Dégradation Entropique :
Quand l'Allemagne a été touché par la crise
économique mondiale, il y a eu une baisse importante de la nécessité
pour le transport commercial. Cela a eu comme résultat que des
trains et des locomotives ont été mis hors d'usage. Un an plus
tard, alors que l'économie s'est redressée, les trains étaient à
nouveau nécessaires. Mais dans l'intervalle, des cylindres et des
moteurs avait rouillé. Les trains n'étaient plus d'aucune utilité
tant que les réparations ne pouvaient être effectuées, ce qui
nécessitait des finances, du temps et des chaînes
d'approvisionnement disponibles. Il y a eu une pénurie coûteuse
pour un certain temps, mais un tissu opérationnel entièrement
fonctionnement et l'économie en général a fait qu'il n'y a pas
eu de catastrophe [30].
Si nous avons un effondrement économique majeur,
plus il durera, plus grande sera la désintégration entropique de
notre infrastructure critique et productive, et plus il sera
difficile de re-démarrer.
Perte de coordination :
L'économie mondiale que nous avons maintenant est
le résultat d'un processus d'auto-organisation qui a émergé au fil
des générations. Si elle s'effondrait, nous perdrions
l'infrastructure qui a permis à ce système d'auto-organisation
d'émerger. Post-effondrement, nous aurions à recommencer de haut en
bas une patiente reconstruction, ce qui suffirait pour des
projets simples mais pas pour les produits hyper-complexes issus de
la mondialisation, nous dépendons aujourd'hui.
La perte de résilience et capacité d'adaptation.
Dans ce papier, je me suis concentré sur certains
mécanismes d'effondrement bien définis qui sont nécessaires à des
degrés divers, mais ils ne sont nullement exclusifs. Des tensions
sociales, des crises sanitaires, ou les effets du changement
climatique peuvent tous s'ajouter à nos difficultés.
À titre d'illustration, nous pouvons envisager le
changement climatique. Nous sommes susceptibles d'assister à
une baisse majeure (forcée) des émissions de gaz à effet
de serre anthropique. Cependant, la température peut continuer à
augmenter pendant de nombreuses décennies. Par ailleurs, on se
retrouve avec une incertitude quant à savoir si nous avons franchi
les points de basculement dans le système climatique qui pourraient
accélérer les émissions terrestres.
Peu d'études sur l'impact économique
du réchauffement présupposent que nous serons
beaucoup plus pauvres dans le futur. Les effets physiques du
changement climatique, sous la forme d'inondations ou de productivité
alimentaire réduite, va amplifier les effets des processus
d'effondrement. Être beaucoup plus pauvres, et sans notre tissu
opérationnel actuel, signifie que le coût relatif de l'adaptation
et de la récupération face à
un choc climatique induit va augmenter au-delà de notre capacité à
payer, et ceci, beaucoup plus tôt que si notre économie continue à
croître au rythme actuel. Par ailleurs, nous allons perdre l'étayage
que fournissent les assurances, les chaînes d'approvisionnement
ouvertes et la forte économie mondialisée qui pourrait redistribuer
les surplus alimentaires venant d'ailleurs.
Objet de l'instant :
Dans le stress croissant de l'instant, les
ressources disponibles sont plus susceptibles d'être investies dans
le traitement des besoins immédiats que dans des investissements de
plus long terme. La stabilité de l'économie mondialisée a fourni
le contexte dans lequel la planification et l'investissement
pouvaient se produire. L'incertitude inhérente au processus de
l'effondrement aura aussi tendance à privilégier les actions à
court terme. Cela aura pour conséquence de réduire encore
les ressources nécessaires pour re-démarrer le système à son état
antérieur.
Conclusion
Cette synthèse entre le modèle de baisse
oscillante et le modèle d'effondrement a été offert comme un guide
plutôt qu'une prédiction. L'ironie est que les gens peuvent
rarement s'apercevoir qu'ils vivent sous contrainte énergétique. La
rétraction d'une partie de l'énergie de l'économie mondiale peut
être obtenue par des baisses de production ou par un effondrement
de la demande, mais comme nous l'avons vu, tout cela est
profondément lié. Nous pouvons percevoir l'effondrement de la
consommation d'énergie non pas comme une contrainte énergétique,
mais comme un effondrement bancaire systémique et la contraction du
pouvoir d'achat. Alors que l'énergie est généralement considérée
comme non discrétionnaire, la consommation d'énergie peut chuter
considérablement alors que le bien-être peut, dans une certaine
mesure, être maintenu. L'alimentation représentera un défi
beaucoup plus persistant avec des prix fort réels soutenus. Un
effondrement dans l'approvisionnement alimentaire et / ou de la
demande pourrait bien être associé à de la famine.
Tainter, en s'appuyant sur des précédents
historiques, a défini certaines des caractéristiques de l'état
des société après effondrement :
- un moindre degré de stratification et de différenciation sociale;
- une économique moins spécialisée et professionnelle;
- moins de contrôle du comportement;
- moins de flux d'information entre individus, entre groupes politiques et économiques, entre le centre et sa périphérie;
- moins de partage, d'échange et de redistribution des ressources;
- moins de coordination générale et d'organisation des individus et des groupes;
- de territoires plus petits intégrés dans une seule unité politique.
L'intégration et la vitesse des processus
(informations financières, les mouvements de capitaux, les chaînes
d'approvisionnement, la durée de vie des composants, etc) au sein de
l'économie mondialisée suggèrent que l'effondrement sera beaucoup
plus rapide que ceux qui les ont précédés. Par ailleurs, le niveau
de délocalisation et de complexité dont nous dépendons, et notre
manque de solution de repli local pour les systèmes et les
connaissances, suggère que les impacts peuvent être très graves
pour les économies les plus avancées. Aucun pays ou aucun aspect du
bien-être humain n'échappera à
un impact significatif.
Notre compréhension et nos attentes du monde ont
été façonnées par notre expérience de la croissance économique.
La stabilité dynamique de cette croissance nous a habitués à ce
qui est «normal». Cette normale pourrait bientôt être ébranlée.
La Belle Epoque de notre espèce est passée et
son avenir semble plus incertain que jamais.
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