Avec cette histoire d'étude de Maugeri, on ne peut que se demander à qui profite le crime ? Pourquoi, comme souvent avec le réchauffement climatique, le déni, bien que bien peu étayé par les faits, trouve tant d'échos dans les médias ? Un article de déni sera cité, en proportion, dix fois plus qu'un article inverse. Est-ce un complot des compagnies pétrolière ? (il y a bien complot comme ça a été prouvé avec la censure d'études sur le réchauffement climatique par certains intérêts pétrolier pendant l’ère Bush). Mais Dimitri Orlov a une autre explication. Pour lui notre société est devenue psychotique. Encore un article très drôle de Dimitri Orlov, à condition d'aimer l'humour noir.
L'article original est ici
La dernière version du Manuel de diagnostique et de statistique des troubles mentaux (DSM) a grossis pour inclure 297 troubles mentaux , mais il semble qu'il y ait toujours de la place pour un de plus.
Richard Heinberg a récemment publié un article qui traite des diverses revendications récentes clamant que le pic pétrolier n'est plus un sujet de préoccupation. Son terme pour nommer ce phénomène est «pic de déni " (peak denial) Cela sonne bien, et s'harmonise très bien avec le thème global de Richard de «pic global "(peak everything). C'est un texte réfléchi qui fait un travail approfondi pour exposer la nature surréaliste des projections des optimistes, et je n'ait pas de problèmes avec son argument. J'ai, toutefois, un problème avec sa terminologie. Tout d'abord, parce qu'un pic de déni n'est pas une ressource non renouvelable avec un profil de déplétion caractérisable, son pic, si nous en détections un, ne serait pas particulièrement significatif, car il pourrait tout aussi bien y avoir un autre pic demain et un autre le siècle prochain. Deuxièmement, je pense que le «déni» n'est plus le mot juste pour décrire le phénomène social que nous observons actuellement. Je pense que Ugo Bardi nous ont envoyé dans la bonne direction: dans son article réagissant à l'affirmation de George Monbiot "Nous avons eu tort à propos du pic pétrolier, il y en a assez pour tous nous faire frire», Ugo caractérise l'approche de Monbiot face au pic de pétrole en utilisant un autre mot: «délusion ".
Si vous estimez que la distinction entre déni et délusion est juste une différence mineure et inoffensive, un coupage de cheveux en quatre de ma part, alors pardonnez moi de citer Sigmund Freud : dans « la perte de réalité dans la névrose et la psychose » [1924 ], il écrivait ce qui suit: "Le névrose ne renie pas la réalité, il l'ignore; le psychotique la désavoue et tente de le remplacer ." [p. 185] Ce avec quoi la psychose remplace la réalité est une délusion.
Prenons ça une marche a la fois. Le déni c'est quand vous savez très bien que quelque chose existe (par exemple, qu'il y a une quantité limitée de pétrole économiquement récupérables, et que nous avons déjà brûlé environ la moitié de celui-ci), mais que nous refusons de considérer ça comme important. Le déni est symptomatique de la névrose. Les névrosés ne sont pas considérés comme particulièrement dangereux, ils peuvent être assez ennuyeux, et ils peuvent parfois constituer une menace pour eux-mêmes, mais ils ne sont, en général, pas considérés comme présentant une menace pour la société. Ils peuvent également être tout à fait charmant : Woody Allen a mis à profit ses névroses dans sa carrière d'acteur réalisateur. (En allemand le titre de son film Annie Hall est Stadtneurotiker - «névrotique urbain.")
La délusion, d'autre part, est symptomatique de la psychose. Dites-mois maintenant, à quand remonte votre dernière rencontre d'un psychotique charmant, courtois, et populaire ? Pour revenir à Freud : le vieux Sigmund distingue deux types de pensée : il y a le processus de pensée secondaire (le bon processus), le domaine du soi bien-adapte, socialisé, ancré dans la réalité, consensuel, et raisonnable, rationnel et logique. Et puis il y a le processus de pensée primaire, ou archaïque (le mauvais genre), le produit de l'obsession, de la compulsion, de l'hallucination et ...nous y voici … de l'illusion. Le chemin qui mène de la névrose à la psychose est une régression vers un soi plus primitif, plus archaïque, plus infantile. Prenez votre névrotique typique (refuser d'affronter le pic pétrolier, de faire du charabia à ce sujet lorsqu'on y est forcé), passez ce névrosé par une crise terrible, auto-destructrice, et cette personne peut régresser et tomber dans la psychose.
Ce qui advient à des personnes advient aussi à des sociétés entières. Prenez une civilisation industrielle névrotique niant tout pic pétrolier, mettez la dans une terrible crise financière mondiale, dites lui que la croissance économique est fini pour toujours, et ce que vous obtenez est une civilisation industrielle psychotique et délirante. Dans Civilisation and its Discontents [1930], Freud écrit à propos de la capacité des delusion de propulser toute une culture vers la désintégration dans un maelström de violence, et dans Constructions in Analysis [1937], il a souligné qu'une fois que la pensée délirante imprègne toute une culture, y compris sa religion et sa politique, alors la culture devient inaccessible à tout argument logique. Le délire est une sorte de tyrannie, interne dans le cas d'une personne malade, externe dans le cas d'une culture malade, qui piège la réalité dans les images spécifiques, excluant toute possibilité de compréhension de soi et toute objectivité.